suddenly i see (ona)

suddenly i see
why the hell it means so much to me

Le temps semblait se gâter. Cork connaîtrait une nouvelle fois un hiver rude, où le vent glacial vous giflerait dès l’aube, tandis que la pluie s’infiltrerait dans les ruelles de la ville, mouillant jusqu’à la dernière couche de vêtements portée par les habitants. Et pourtant, il ne s’en plaignait guère. Probablement parce qu’il n’avait connu que cela durant toute son existence ; le souffle froid, mélangé à l’humidité abondante. Le soleil ne sortait que lors de rares occasions, par ici.
En sortant du bureau, il s’aventura dans le coin, avec la volonté de ne pas rentrer tout de suite à la maison. Pour une raison qu’il ne souhaitait pas connaître – ou que sa conscience lui faisait oublier volontairement, l’atmosphère qui y régnait ne lui plaisait pas. Meara lui paraissait froide, si différente de celle qu’elle avait pu être auparavant. Et pourtant, elle ressemblait parfois à la personne qu’il s’était promis d’aimer pour le restant de ses jours. Ses contradictions donnaient lieu à une ambiance tendue, à des disputes sans queue ni tête, à des silences pensants, inhabituels.
Il trouva refuge dans une boutique aux parfums exquis. La musique de fond lui donna instantanément le sourire ; les chants de Noël avaient cet effet revigorant sur lui, chose qu’il n’avouerait jamais en publique – pas assez viril d’après le patriarche. Il s’installa dans le fond de la salle, occupant une banquette confortable au rouge pimpant. En attendant l’arrivée d’un employé, il prit le temps de sortir un carnet de son sac. Sa couverture de cuir cornait sur les bords et des bouts de papier semblaient vouloir s’échapper de tous les côtés. On l’ouvrant, il redécouvrit quelques mots, inscrits à l’encre bleu marine et d’une écriture rapide et brouillon que ses professeurs lui avaient toujours reproché.
Rien n’aurait pu le préparer à l’évènement qui allait se produire là, à l’instant. Alors, lorsqu’il porta son attention sur le comptoir, son cœur sembla manquer un battement. Sans même pouvoir plonger ses yeux dans les siens, il les revoyait, comme il les avait observés auparavant, dans un couloir sombre et silencieux. Il se souvenait de la moindre sensation, des moindres détails de leur courte entrevue, de ce baiser qu’ils avaient partagé en secret.
Avec une impulsivité malsaine, il se dirigea vers elle. Il regretterait probablement son geste une fois le moment passé, mais il lui paraissait agir sous l’effet d’un aimant, trop puissant pour s’y opposer. "C’est vous." Ses mots, choisis sans vraiment y avoir réfléchi, ne reflétait en rien les pensées qui le tourmentaient depuis leur rencontre. Les mots s’entremêlaient silencieusement, avec l’envie folle de s’évader.