she feels in italics and thinks in capitals. (pg)

NOM, PRÉNOM(S): Goldwyn, la bourgeoisie anglaise, le faste, le lion qui rugit au centre du logo de la MGM. Puis Penelope, l'Espagne de maman - dite Poppy depuis l'enfance. ÂGE, DATE DE NAISSANCE, LIEU: Née sous le signe du roi de la jungle, un vingt-trois juillet, à Dublin, elle a le coussinet doux et le rugissement sonore depuis vingt-sept années. ORIGINES, NATIONALITÉ(S): Du côté maternel, Poppy est une deuxième génération d'immigrés espagnols. Elle parle couramment la langue, mais sans l'accent épais et liquoreux de son abuelita. Sa carte d'identité, concise comme seul l'état peut l'être, n'affiche pourtant que "irlandaise". ÉTUDES/MÉTIER: illustratrice de livres pour enfants – et aussi parfois pour adultes -, elle inonde les rayonnages de bookshops de son trait fin. Mademoiselle arrondit ses fins de mois en vendant ses dessins à des marchés de créateurs de Cork. SITUATION FINANCIÈRE: Malgré son job représentant "l'instabilité artistique" selon papa l'avocat, elle est à l'aise. Les parents ont de graisseuses économies, bien que Poppy, la farouche indépendante, fasse attention à ne pas trop se servir de son trust fund. SITUATION SENTIMENTALE: célibataire, coeur de glace, qu'elle a laissé fondre une seule fois, et qui n'est désormais qu'une flaque sur le plancher. ORIENTATION SEXUELLE: keira knightley c'est bien, mais jude law c'est mieux. SITUATION FAMILIALE: Un petit frère parfait sous tous rapports, qui est parti étudier à Londres, mais qui continue à la facetimer pour savoir quoi porter chaque fois qu'il a un rencard. Deux parents avocats, qui ne s'aiment plus depuis longtemps mais qui refusent de se l'avouer car ils savent mieux que personne que le divorce vous saigne. Mélangez fermement et dégustez avec souci de l'écologie, envolées en espagnol, et vin rouge de Bourgogne. QUE PENSEZ-VOUS DE CORK ? "il en est de pires, il en est de meilleures, mais à tout prendre, qu'on se pende ici, qu'on se pende ailleurs... s'il faut se pendre." DEPUIS COMBIEN DE TEMPS ÊTES-VOUS À CORK ? Depuis l'adolescence. Elle a suivi ses parents de Dublin vers Cork alors qu'elle avait seize ans, toute prête à repartir d'où elle venait dès la majorité arrivée. Puis elle s'est attachée à Cork, aux amitiés qu'elle a crée ici, et Poppy n'est rien si pas loyale. QUALITÉS: passionnée, loyale, attentive et attentionnée, charmeuse, observatrice, vive, rêveuse, généreuse, créative, organisée, perfectionniste, amusante, indépendante. DÉFAUTS: manipulatrice, susceptible, rusée, cynique, menteuse, farouche, jalouse, arrogante, bornée, capricieuse. GROUPE: bitter sweet symphony.

Poppy, c'est l'encre sur les doigts. Les long cheveux bruns qui se glissent partout – dans ton bol de cornflakes produit blanc, sur le foulard de ta copine (en même temps, il est moche), autour de ton orteil, assez serré pour qu'il en devienne bleu et te fasse cauchemarder de torture chinoise. Poppy c'est "c'est ça ducon, et ta soeur" c'est "c'est qui ce crétin" et c'est "viens chérie, je te fais un thé. Vu ta tête, ça va demander du lapsang souchong". C'est l'odeur des bougies parfumées. C'est les coups de fil à 4h du mat'. La loyauté excessive. L'amour brut, cru. Les ongles impeccables – un corps entretenu comme un jardin japonais, tout en sobriété et symétrie. C'est les fringues siglées, une montre plus chère que ton appart mais tout de même jamais à l'heure. La bouffe bio, light, végétalienne, équitable, pendant que tu fais le content avec ton whopper. La peau pâle et le rire foncé. La bouche rouge, qui t'interdit d'avancer. Les cours de kick-boxing le mercredi soir. Poppy, c'est son art. Des princesses à l'encre de chine qui sont tombées amoureuses de leur geôlier, le loup. C'est "Popps", c'est "Poupée", c'est "Goldwyn", et pour l'état seulement, Penelope. C'est un cynisme moderne entrelacé d'un optimisme anachronique. C'est l'œil du tigre. La confiance en soi. C'est l'acier et le velours. Poppy, c'est cette seconde de paix profonde quand tu conduis sous la pluie battante et que tu passes sous un pont. Les longues chansons de jazz. Les voix off dans les films. Les filles. Les playlists spotify, le thé glacé, le latte macchiato. Ses meilleures amies. Le courage, celui qu'on trouve dans le désespoir et celui qu'on trouve dans le regard des autres. Les fous rires à 3h du matin. L'hypocrisie. Sa mère. Les cheveux longs, un jour de vent, qui viennent se coller dans le baume à lèvre coco-karité. L'impatience vis-à-vis des frustrés. Les caïpirinhas en été. C'est les cabans en feutre, les stilletos, les adidas éditions limitées. L'odeur des hommes en transit dans sa chambre longtemps après qu'elle ait changé les draps. Flower de Kenzo et la pluie. C'est son frère, qui lui manque tous les jours malgré leurs trois sms quotidiens. C'est une expo jeudi soir, au club vendredi. Poppy, c'est la lune, l'air, la nuit. Les voyages, Berlin à l'improviste. C'est l'humour pince-sans-rire, la culture, la conscience politique. C'est le journal, le cappucino, les boucles d'oreilles. Le lever de sourcil ironique, la voix veloutée. Le rire des inconnus. Le sarcasme. Les beaux garçons. Les métaphores. Les préjugés. Les scandales. L'odeur d'amande et de pomme de pin. Les larmes sous l'eyeliner. Poppy, c'est le bronze. Les épaules, les bouches. La vie, quoi.

Spoiler:

"Serrez-vous les enfants ! Leo, lâche la queue de cheval de ta soeur tout de suite ! … A droite, plus à droite, - l'autre droite, Penelope ! - on ne voit pas le château gonflable. Encore un peu… Stop, c'est bon. Souriez… Merde, Poppy, tu as fait tomber ton esquimau sur ta robe blanche ! [Lisa, enfin !] Je veux dire "zut, Poppy". Zut zut zut. Okay, oublions, mets ta main sur ton ventre, ma chérie, qu'on ne voie pas la tache. Super, comme ça, voilà. Bon, souriez maintenant. […] POUR L'AMOUR DU CIEL LEO, QU'EST-CE QUE J'AI DIT AU SUJET DE LA QUEUE DE CHEVAL ?"

Et quand ils lui demandent, car ils le font tous, pourquoi elle méprise tant les hommes, elle ricane. Elle prend une longue gorgée de vodka pamplemousse, les épaules jetées en arrière pour dévoiler les clavicules, et repose son verre sur l'acier du comptoir dans un claquement sec sur le comptoir. Elle répond, invariablement "parce qu'aucun d'eux ne m'a jamais donné de raison de ne pas le faire". Elle exclut mentalement son frère du lot, mais c'est simplement car ce dernier tient d'avantage du dieu que de mortel de chromosome XY. Elle baisse le regard, le relève – et c'est le moment de l'amorce. Ils lui demandent, d'une façon plus ou moins subtile en fonction de l'individu, si elle désire passer quelques heures avec eux, et si ils ont su formuler ça intelligemment, peut-être qu'elle les suivra. Alors qu'elle les accompagnera vers leur voiture, le pas lent et les hanches rondes, elle y songera invariablement. A cette nuit, le soir de ses dix-sept ans. A Cork depuis peu, et commençant à peine à apprécier la ville. Elle rentrait au bercail, les stilettos dans une main, ce qui lui restait de dignité dans l'autre. Son eye-liner usé traçait la fin de l'enfance sur ses joues toujours un peu rondes. L'endroit où la mercedes était garée était inhabituel en soi. Papa la mettait toujours dans l'allée. Pourtant, elle était en stationnement à l'entrée de la rue, loin de la maison.Elle s'était arrêtée. A cinq mètres d'elle, elle avait vu en ombre chinoise la confiance s'envoler. Le père de famille qui glissait les lèvres contre la peau dénudée d'un cou si jeune. Qui, à quatre heures du matin, à une centaine de mètres de sa femme, probablement assoupie, brisait ses voeux. Poppy avait vu suffisamment de sitcoms pour savoir que ce qui était attendu d'elle, à cet instant, était de fuir la scène en silence. Probablement sangloter doucement dans le hall d'entrée. Pourtant, le lion à travers le pare-brise ne l'avait pas élevée comme ça. Alors, elle marcha jusqu'au capot. Abattit ses deux mains sur la tôle dans un claquement qui les terrifia. Deux paire d'yeux affolés, mais elle n'en regarda qu'une. Si petit, le lion, d'un coup. Si pathétique.Elle savait que l'eye-liner flou lui donnait des airs de mariée fantôme, et elle se félicita d'avoir dépassé son couvre-feu de presque quatre heures. La mâchoire raide, le regard froid, elle renifla avec mépris. En s'en allant, elle fit en sorte que le talon de son escarpin, qu'elle tenait toujours du bout de la sangle, aille rayer en beauté la carrosserie de la nouvelle voiture de Papa.

Et ils lui demandaient pourquoi elle méprisait les hommes ?
Please. Que peut-on bien faire d'autre avec eux ?

FROM POPPY: Un nouveau bar à champagne vient d'ouvrir sur Highland Steet. T'es libre ce soir ? All in, aux frais du paternel.
FROM LEO: Tu sais qu’on a plus de chance d’être tué par un bouchon de champagne que par un animal sauvage ? Cette info me paraissait importante pour toi, vu ta peur démesurée pour les ours et ton amour inconditionnel pour le Dom Perignon.
FROM POPPY: Je passe te chercher à 9h.

Mais lui, il était au-dessus du lot. Il sentait les jours de pluie et l'océan. Et pourtant, malgré toute cette flotte, il avait des flammes dans le regard. Quand il le posait sur elle, elle partait en fumée. "Ne me regarde pas comme ça." "Comme quoi ?" "Comme si j'étais une proie. Je ne suis pas une proie." "Et qu'est-ce que tu es alors, si je puis me permettre ?" "Une lionne !" "Très bien alors, mon félin, viens par ici, montre-moi tes griffes." Il l'attirait par la taille, et faussement énervée, elle ouvrait grand la bouche pour le mordre dans le cou. Il riait, sa voix grave remplissant la pièce et, pendant une seconde, il donna envie à Poppy de rêver d'absolu. De s'installer entre ses bras, qu'il gardait continuellement serré autour de sa taille, que ce soit pour l'allonger sur les draps ou la retenir quand elle tentait de s'échapper, hurlant telle une furie. Il était devenu son monde, ce crétin. Ça la terrifia. Elle ne voulait pas être sa mère. L'épouse, la fidèle, la sage compagne, qui avait naïvement façonné toute sa vie autour d'un monstre. Alors elle répandit son venin, petit à petit, insidieusement, inconsciemment au début. Lui fit regretter d'avoir osé la rendre vulnérable. Ce fut elle qui créa le bûcher, mais ce fut lui qui craqua l'allumette. Il alla glisser ses bras autour de la taille d'une autre. Il lui donna ce qu'elle n'avait pas encore réalisé qu'elle cherchait : une échappatoire. La sortie de secours des grands brûlés. Il avait fait d'elle la pire créature qu'elle aurait pu imaginer. Il avait fait d'elle sa mère.

Et ils lui demandent pourquoi elle méprise les hommes ?
…
Pourquoi pas ?